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traînée par le torrent elle s’est attachée à quelque plante du rivage. Mais la raison élevée à son plus haut degré d’intensité, la raison formulée dans les doctrines philosophiques, ne recule jamais devant les conséquences comme un flot que des milliers d’autres flots pressent, et qui, ne pouvant remonter vers sa source, vient se briser contre le rocher ; ainsi la philosophie rationaliste, pressée par la succession rigoureuse des idées, poussée en avant par la force des principes qu’elle a laissés derrière elle, entraînée de siècle en siècle, d’école en école et de système en système, vient se briser un jour contre ces trois écueils inévitables : Panthéisme, Égoïsme, Fatalisme. Tel fut le sort de l’ancienne école théosophique de l’Inde, alors que dans la première effervescence de sa liberté la raison construisit ces vastes systèmes dont les dimensions étonnent la faiblesse de nos regards. La doctrine de l’émanation appliquée à la société engendra l’organisation des castes appliquée à la morale individuelle, elle produisit le quiétisme : et pendant quatre mille ans la moitié de l’Asie est restée stationnaire dans sa captivité. Tel fut aussi le terme de la philosophie grecque quand elle vint, sous la forme du gnosticisme ou de l’éclectisme alexandrin, expirer dans une lutte impuissante contre le Christianisme naissant. En vain le rationalisme moderne s’est-il débattu durant trois siècles sous la verge de cette logique inexorable qui l’entraîne au panthéisme ; maintenant il lui faut