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d’attraction, la volonté humaine ne saurait être ébranlée que par une puissance d’amour, et l’effet de cette puissance est d’assimiler celui qui aime à celui qui est aimé. L’amour suppose la vie dans ceux qu’il unit ; on n’aime point des idées abstraites, et le type parfait qui attire la volonté, si vivante et si active, doit être vivant comme elle. Le progrès, dans son acception la plus haute, est donc l’essor spontané de l’homme vers un être qui vaut mieux que lui. La raison, au contraire, quand elle s’empare de la direction de l’homme et veut le soumettre à la rigueur de ses procédés logiques, le rappelle d’abord de toute contemplation étrangère, recueille ses forces et les concentre dans l’étude du moi. C’est dans le moi qu’elle veut découvrir l’élément générateur de ses connaissances et le mobile suprême de ses déterminations. Enfermée dans cette étroite enceinte, elle ne connaît les objets extérieurs que par les modifications qu’elle en reçoit, c’est-à-dire par leurs ombres ; elle ne saurait, sans abandonner son principe, sans sortir d’elle-même, affirmer qu’à ces ombres correspondent des réalités, et a ces modifications qu’elle éprouve, des causes indépendantes.

Cause, substance, esprit, matière. Dieu, monde, société, ce sont autant de conceptions du moi, de transformations du moi, c’est toujours le moi : toute existence vient s’abîmer dans l’existence personnelle, et les fondements sont jetés d’un monstrueux panthéisme. Celui qui ne connaît que soi