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chant, par conséquent la poésie, étaient de toutes les fêtes on les voit représentes par une classe d’hommes appelés jongleurs, histrions, uomini di corte, devenus si nombreux que les magistrats s’en inquiètent, que la théologie s’en occupe, et que saint Thomas d’Aquin décide que leur profession n’est point illicite, s’ils ne la gâtent par impureté de paroles ou d’action. Ces hommes, qui viennent de Lombardie, de Toscane, de Sicile, qui font métier d’aller de cour en cour, d’y réciter leurs vers et ceux d’autrui, ont affaire à des auditeurs accourus comme eux de l’Italie entière. Et c’est dans ces réunions qui mettent en présence des Italiens de toutes les provinces et de tous les dialectes, c’est là que se forme cette langue distincte des idiomes provinciaux, noble et délicate comme les plaisirs où elle est née, cette langue poétique que Dante adoptera, qu’il nommera illustre, aulica, cortigiana, la langue des cours, ou, pour traduire plus exactement, la langue des fêtes[1].

Mais l’Italie avait des solennités bien différentes ; une autre puissance non moins populaire que les républiques y tenait aussi ses cours plénières. Le

  1. Statut de Bologne en 1288 : « Ut cantatores Francigenarum in plateis communis ad cantandum morari non possint. » Saint Thomas, secunda secunda, quaest. 168, art., 3 « Histrionum officium non esse secundum se illicitum, dummodo moderate ludo utantur. id est non utendo aliquibus illicitis verbis.vel factis ad ludum. » — Dante, de Vulgari Eloquentia, I cap. XVI : « Dicimus illustre, cardinale, aulicum et curiale vulgare in Latio, quod omnis Latiœ civitatis est, et nullius esse videtur. ».