Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 5.djvu/83

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en 1585, cent soixante ans après la mort du saint, et cependant on ne peut en contester l’authenticité. Cette façon de composer peu à peu, selon l’inspiration du cœur et le besoin du moment, rappelle tout à fait la manière des grands poëtes, comme Dante, comme Camoëns, portant dans leurs voyages et leurs exils l’œuvre qu’ils avaient conçue, et y ajoutant au jour le jour l’expression toute brûlante de leurs douleurs ou de leurs espérances. Le poème. de saint François est bien court, et cependant on y trouve toute son âme sa fraternelle amitié pour les créatures : la charité qui poussait cet homme humble et timide à travers les querelles publiques ; cet amour infini qui, après avoir cherché Dieu dans la nature et l’avoir servi dans l’humanité souffrante, n’aspirait plus qu’à le trouver dans la mort. On y sent comme un souffle de ce paradis terrestre de l’Ombrie, où le ciel est si doré et la terre si chargée de fleurs. Le langage a toute la naïveté d’un idiome naissant ; le rhythme, toute l’inexpérience d’une poésie peu exercée, et qui contente à peu de frais des oreilles encore indulgentes. Quelquefois’la rime est remplacée par l’assonance, quelquefois elle ne se montre qu’au milieu et à la fin du verset. Les délicats auront quelque peine à y reconnaître les conditions régulières d’une composition lyrique. Ce n’est qu’un cri ; mais c’est le premier cri d’une poésie naissante, qui grandira et qui saura se faire entendre de toute la terre.