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chemin, jusqu’à sauver les brebis de la boucherie, dans un temps qui supportait les cruautés de Frédéric II et de son lieutenant Eccelin le Féroce, qui devait voir le supplice d’Ugolin et les Vêpres siciliennes. Cet homme, assez simple pour prêcher aux fleurs et aux oiseaux, évangélisait aussi les villes guelfes et gibelines ; il convoquait les citoyens sur les places publiques de Padoue, de Brescia, de Crémone, de Bologne, et commençait son discours en leur souhaitant la paix. Puis il les exhortait à éteindre les inimitiés, à conclure des traités de réconciliation. Et, selon le témoignage des chroniques du temps, beaucoup dé ceux qui avaient eu la paix en horreur s’embrassaient en détestant le sang versé. C’est ainsi que saint François d’Assise paraît comme l’Orphée du moyen âge, domptant la férocité des bêtes et la dureté des hommes ; et je ne m’étonne pas que sa voix ait touché les loups dé l’Apennin, si elle désarma les vengeances italiennes, qui ne pardonnèrent jamais.

Un cœur si passionné ne se déchargeait pas assez par la prédication. La prédication ne sort pas de la prose, et la prose, si éloquente qu’elle devienne, n’est, après tout, que le langage de la raison. Quand la raison a produit sous une forme exacte et lumineuse la vérité qu’elle conçoit, elle demeure satisfaite mais l’amour ne se contente pas si facilement il faut qu’il reproduise les beautés dont il est tou-