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tout à coup le son d’un luth d’une merveilleuse harmonie et d’une mélodie très-douce. On ne voyait personne ; mais aux nuances du son qui s’éloignait ou se rapprochait, on croyait reconnaître la marche d’un musicien allant et venant, sous les fenêtres. Le saint ravi en Dieu fut.si pénétré de la douceur de ces accords, qu’il crut un moment avoir passé à une meilleure vie.[1]

Le fils du marchand d’Assise avait donc reçu toute la culture qui formait les poëtes de son temps ; car les poëtes de cette époque orageuse ne grandissaient pas à l’ombre de l’école la muse les visitait dans les hasards d’une vie militante, dans les tournois et les batailles. Souvent même, comme Wolfram d’Eschenbach, ces hommes éloquents ne savaient pas lire. Ils s’inspiraient des romans qu’ils se faisaient réciter, des chants qu’ils avaient entendus, mais surtout des enseignements secrets de l’amour, qu’ils avouaient pour leur seul maître. Ce signe décisif ne devait pas manquer à la vocation poétique de saint François. Il faut s’assurer qu’il y eut chez lui autre chose que l’ardeur d’une imagination échauffée par des souvenirs et de lectures il faut voir quel amour posséda son coeur.

  1. Thomas de Celano, IX : « Vox ejus vox vehemëns ; vox dulcis vox clara, voxqùe sonora. » Saint Bonaventure, V : « Repente insonuit cithara quidam harmonie mirabilis et suavissimae melodiae. Non videbatur aliquis; sed transitum et redditum citharœdi, ipsa hinc inde auditus volubilitas innuebat. » Voyez aussi les Fioretti di san Francesco