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la gloire, tout ce qui touche les peuples, ce qui les inspire, ce qui leur donne le droit et le besoin de s’éterniser par des monuments. Tous les arts s’éveillaient. Les idées religieuses et politiques qui avaient mené pendant cent ans les Italiens sur les champs de bataille devaient être servies par la parole comme elles l’avaient été par les armes maîtresses des intelligences, il fallait qu’elles s’exprimassent, non dans l’idiome des savants, mais dans le langage de tous, et qu’après avoir fait une nation, elles fondassent une littérature. L’exemple était donné. La France avait déjà une poésie dont les chants passaient les Alpes, circulaient dans les salles des châteaux et sur les places publiques[1]. Si tout n’était pas irréprochable dans ces modèles, si les fabliaux des trouvères et les sirventes irrévérencieux de plusieurs troubadours s’adressaient aux esprits déréglés, il y avait des chants pieux, comme ceux de Rambaud de Vaqueiras, d’héroïques récits, comme les batailles de Charlemagne et la mort de Roland, bien capables d’échauffer les imaginations chrétiennes. Sans doute l’activité politique et les

  1. Des le commencement du douzième siècle, Donizo, qui écrivit en vers l’histoire de la comtesse Mathilde, connaissait les romans épiques français :
    Francorum prosa sunt edita bella senora.

    Sur les voyages des troubadours provençaux en Italie, voyez Mémoire de la poésie provençale, par M. Fauriel, t. II. et trois articles publiés par le même savant dans la Bibliothèque de l’École des Chartes, t. III et IV.