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ment de l’Europe et la terreur de l’Église, capable de toutes les affaires et de toutes les voluptés, et qui partageait ses loisirs entre un sérail de belles captives et une académie de savants mahométans, de troubadours et de jongleurs. Lui-même n’avait pas dédaigné de composer dans l’harmonieux idiome de ses sujets. Son chancelier Pierre des Vignes, ses fils Enzo et Menfred, l’imitèrent et bientôt, de Palerme à Messine, on n’entendit plus que les accents d’une poésie dangereuse, où la galanterie des Provençaux se mêlait aux passions ardentes de l’Orient. Là commence la veine trop féconde qu’on voit ruisseler dans les condamnables récits de Boccace, dans les comédies et les drames pastoraux du vieux théâtre italien. De là cette littérature molle et voluptueuse, qui finit par énerver les caractères en même temps que les esprits, et qui habitua la jeunesse italienne à passer sa vie aux genoux des femmes, dans l’oubli de la patrie et de la liberté.

Mais, heureusement pour l’Italie, nous y voyons aussi la poésie chrétienne couler à pleins bords, depuis la Divine Comédie jusqu’à la Jérusalem délivrée, jusqu’aux hymnes de Manzoni. Cependant on ne sait peut-être pas assez de quelles hauteurs ce large fleuve est descendu. Sans doute on connaît les noms d’un petit nombre de Toscans que Dante rappelle avec honneur, qu’il avoue pour ses devanciers et pour ses maîtres ; mais ni la science de