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fois le théâtre de sa fable, et, déchirant le rideau, laisser voir les profondeurs de l’éternel et de l’infini[1]. Sans doute cette vue est bien trouble. Rien n’est moins digne d’envie que cette triste immortalité donnée aux héros ; à peine y a-t-il un reste d’existence dans ces ombres vaines qui ne peuvent rien, si elles ne viennent s’abreuver aux libations de sang, et qui ne parlent que pour pleurer la lumière. Que nous sommes loin des claires visions du poëte de Florence ! Toutefois il ne faut point imputer les pâles doctrines de l’Odyssée à la grossièreté des temps : des enseignements plus solides étaient transmis dans les écoles de Samothrace et d’Éleusis. Mais Homère n’est pas le poëte des écoles sacerdotales, c’est celui de ces races guerrières qui échappaient à la domination du sacerdoce et revendiquaient leur indépendance. C’est le chantre des navigations, des combats, des délibérations publiques, de cette vie passionnée, glorieuse, qui continuera dans les champs de Marathon, au Pirée, sur la place publique d’Athènes. Il était naturel, à des hommes si heureux dans cette vie, de mal connaître l’autre. Il ne leur était pas possible d’en éloigner la pensée. Les villes s’environnaient d’une ligne de tombeaux et de

  1. Eustath., ad Odyss. X. Ὀ ποιητὴς τὴν τοιαὺτην εἰς ᾃδου κάθοδον πλάττει πρὸς χορηγίαν γραφῆς πλείονα Pour compléter les idées d’Homère sur l’autre vie, Cf. Iliade, IX, 16. XVI, 671. Odyssée IV, 564 ; XXIV, passim. Halkart, psychologia homerica.