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hommes et la nature, la terre et le Ciel ; l’Enfer même ne peut y rester étranger. Aux coups du trident de Neptune, Pluton s’élance de son siège : il tremble que les abîmes ne s’entr’ouvrent, et que la lumière d’en haut ne pénètre chez le peuple des morts. Je ne sais rien de plus terrible que cette courte échappée de vue dans le lieu obscur et souterrain où tombent les milliers de combattants qu’on voit périr d’un bout à l’autre du poëme :

Πολλὰς δ’ἰφθίμους ψυχας Ἃιδι προιαψεν[1]

Ce rendez-vous funèbre des héros est vu de plus près au onzième chant de l’Odyssée. Ulysse y raconte comment il visita le pays des Cimmériens, comment il pénétra jusqu’au seuil du royaume infernal, pour apprendre de Tirésias le terme de ses maux. Il ajoute comment, à la suite du devin, parurent les mânes de sa mère Anticlée, de plusieurs héroïnes et des chefs qui combattirent sous les murs de Troie. Il décrit enfin le gouffre de l’Érèbe ouvert devant lui, le tribunal de Minos, les peines des impies. Je reconnais dans ce passage le point sur lequel roule toute l’action de l’Odyssée. Les périls d’Ulysse vont en grandissant jusqu’à ce qu’il affronte le séjour même de la mort. C’est le comble de la terreur, mais c’est aussi le commencement de l’espérance. Le premier rayon

  1. Iliade, I, 3.