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scène avant de l’avoir mené au bord de l’Averne, où il évoque par des libations les mânes de la Sibylle, les ombres de ses ancêtres, toutes les âmes appelées à soutenir le poids du nom romain. Il apprend de leurs entretiens la gloire qui l’attend dans les plaines de Zama, et, après les triomphes de la terre, l’immortalité que les prêtres et les philosophes promettent à la vertu[1]. Lucain, trop esprit fort pour croire aux grenouilles du Styx, et trop libre pour subir la loi commune, n’évite le voyage des enfers qu’en y substituant une fable plus philosophique à son gré, l’évocation de la magicienne Érichtho. Par ses conjurations puissantes, un corps relevé du champ de bataille se ranime pour un moment ; l’âme, forcée de trahir les secrets du tombeau, raconte les tumultes civils qui agitent l’empire de Pluton, la joie du Tartare, la tristesse de l’Élysée, et tous les signes du désastre de Pharsale[2] Ainsi le théâtre infernal reste ouvert, et c’est toujours chez les morts que se dénoue la destinée des vivants. Les grandes images de l’autre vie devaient tenter la verve pompeuse de Stace dès le début de la Thébaïde, il tire Laïus de l’Erèbe ; plus tard, il y fait descendre Amphiaraüs : il introduit, au quatrième livre, Tirésias interrogeant les mânes. Alors, au milieu des rites funèbres, le vieillard aveugle voit s’ou-

  1. Silius Italicus, Punic., lib. XIII
  2. Lucain, Pharsal., VI. 419.