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l’intérêt national du poëme, et le véritabe sujet, qui n’est plus la fortune d’Énée, mais l’histoire du peuple romain[1]. Lorsqu’au fond des champs Élysées apparaissent les grands esprits des temps futurs, depuis Romulus jusqu’à César, jusqu’à Auguste, je reconnais un pieux effort pour ranimer les traditions de la patrie, pour rappeler les droits de Rome à l’empire universel, pour inaugurer le règne des lois et la paix du monde. Enfin, l’épisode offrait une admirable occasion d’exposer l’origine et la destinée des âmes, et de relever les dogmes de la théologie latine, en les rattachant d’une part aux doctrines philosophiques, qui leur prêtaient de la force, d’autre part à la mythologie grecque, qui leur prêtait de l’éclat[2]. Ainsi le poëte travaillait à raffermir le culte des dieux et celui des ancêtres, ces deux bases de la puissance romaine, ébranlées par le désordre des guerres civiles, et dont la restauration fut le premier soin de la politique d’Auguste. Mais il ne reste pas une

  1. Servius ad Eneidos Vt Unde etiam in antiquis invenimus, opus hoc appellatum esse non Eneidem, sed Gesta populi romani. Totus quidem Virgilius scientia plenus est, in quâ hic liber possidet principatum. Et dicuntur multa per altam sententiam philosophorum theologicorum Egyptiorum, adeo ut plerique de his singulis hujus libri integras scripserint πραγματείας~ L’habitude se conserva au moyen âge.
  2. Je ne pense pas qu’il faille chercher dans l’école pythagoricienne la source de la doctrine professée au sixième livre de l’Énéide l’émanation, l’expiation, le retour des âmes, sont des dogmes primitifs de la théologie romaine. Voyez Ottfried Müller, die Etrusker.