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ges où, chaque année, la fête patronale est célébrée par une représentation dramatique de la Jérusalem délivrée délivrée, comme on mettait en scène l'Iliade sur le théâtre d’Athènes. Les paysans s’entendent, et se partagent les rôles. L’un chante, par exemple, les paroles de Tancrède ; l’autre, celles d’Argant, pendant qu’un troisième déclame le récit qui les lie. Il y a plus de ressources qu’on ne pense chez un peuple capable de ces plaisirs d’esprit : il y a une. gloire plus solide qu’on ne croit à faire, comme ces poëtes, l’éducation, non d’un petit nombre, mais des pâtres et des artisans ; à entretenir parmi eux des traditions héroïques, le sentiment du beau, qui élève les imaginations, et l’admiration du bien, qui échauffe les coeurs.

C’est ainsi que la poésie retourne au peuple, de qui elle est venue. Ces Italiens savent se passer de vêtements et de pain  ; ils ne savent pas se passer de chants. Dans la campagne de Sienne, il y a des misérables qui n’apprendront jamais à lire, et qui improvisent en vers, et qui trouvent des beautés où les poëtes d’académie n’atteindront jamais. Là, comme dans quelques hameaux de la Corse et de la Sicile, il n’est pas de noces, pas de baptême, pas de funérailles qui puissent s’achever sans que les s paroles de l’improvisateur aient consacré la joie ou la douleur de la famille. A Rome même, les hommes des faubourgs tiennent à leurs traditions et à