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violent dont il mourut ; mais au milieu des funérailles il ressuscita, et, pressé par ses moines, il leur raconta son voyage au paradis. Au delà des sphères célestes, il s’était trouvé dans une place immense pavée d’or, pleine d’une foule que nul ne pouvait compter ; et, continuant de marcher, il était parvenu dans un lieu où les saints se nourrissaient de parfums. Au-dessus d’eux planait une nuée resplendissante, de laquelle sortait une voix semblable à celle des grandes eaux. Or, la voix ordonna que Salvus retournât sur la terre pour servir au bien des églises. Et lui, se jetant à genoux : « Hélas Seigneur, s’écria-t-il, pourquoi m’avoir fait connaître ces splendeurs, s’il fallait sitôt les perdre ? » La voix répondit: « Retire-toi en paix, voici que je serai avec toi jusqu’à ton retour. » Salvus sortit en pleurant par la porte lumineuse qui s’était ouverte devant lui[1]. Rien n’est plus instructif dans nos annales que ces perpétuelles relations du monde visible avec l’invisible, des intérêts du temps avec ceux de l’Éternité. En laissant apercevoir derrière les violences des hommes les justices du ciel, ces visions faisaient pour ainsi dire la moralité de l’histoire. Au milieu des désordres de la terre, elles rappelaient l’ordre divin qui les domine, elles exprimaient le jugement de l’Église, elles formaient l’opinion des peuples, elles ef-

  1. Gregor. Turon., Hist. Franc., VII, 1. Labitte, la Divine Comédie avant Dante, III.