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à cette source que puiseront les poëtes des deux siècles suivants, l’Altissimo, Pulci, Boiardo, par lesquels on arrive à l’Arioste et au Tasse. Ces deux grands hommes sont assurément des poëtes savants ; ils fréquentent l’antiquité, mais pour lui demander des inspirations, et non des chaînes. Quand les Grecs échappés au désastre de Constantinople venaient de relever avec tant d’éclat les autels classiques, au milieu de ce paganisme littéraire qui séduisit tant de grands-esprits quand on poussait le mépris de la langue vulgaire jusqu’à rougir de ses noms de baptême, jusqu’à les échanger contre des noms romains, l’Arioste et le Tasse eurent la sagesse de s’attacher à l’exemple de Dante, d’écrire dans la langue des femmes, des gens de guerre, dans celle du peuple, non pour être lus seulement, mais pour être chantés. Aussi ce peuple, à qui ils avaient prodigué leur génie, leur prodigua la gloire. Il se montra reconnaissant, non-seulement le jour où une bande de brigands tomba aux genoux de l’Arioste, ou quand une multitude immense accompagna dans les rues de Rome la dépouille du Tasse, couronnée d’un laurier tardif il leur conserva un souvenir qui dure encore, mêlé de respect et d’amour. A Naples, le chanteur du môle continue de psalmodier chaque jour les stances du Roland Furieux devant les gens du port qui l’écoutent en cassant leurs noix, et qui n’auront probablement pas d’autre dîner. Aux environs de Pise, il y a des villa-