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uns des grands peuples de l’Europe, et de considérer quelle empreinte elle y reçut de leur génie et de leur civilisation.

Nulle part les visions ne se montrent plus nombreuses ni plus effrayantes qu’en Allemagne. Nulle part aussi une résistance plus opiniâtre n’arrêta l’effort civilisateur du christianisme. Dans un pays où, les empereurs trafiquaient des églises, où plusieurs peuples, au onzième siècle, vivaient encore en pleine polygamie où les prêtres, menacés par Grégoire VII, s’écriaient qu’ils renonceraient au sacerdoce plutôt qu’au mariage, il semble qu’il fallût toute la puissance de la terreur pour faire pénétrer la sainte pensée du devoir[1]. Ces cœurs violents, ces esprits indisciplinés, ne se rendaient qu’à la prédication de l’enfer. Je ne m’étonne plus des sombres peintures qui remplissent le Livre’ des visions, compilé par le moine Othlon de Ratisbonne[2]. J’y compte sept apparitions des peines futures. Une servante d’Augsbourg, qu’on portait au tombeau, ressuscite pour avertir un magistrat de la ville, au nom de son père damné, de restituer des biens mal acquis. Un pauvre, qui mendiait aux portes de l’église de Saint-Emmeran, voit en rêve une maison de fer rougi au feu, où sont emprison-

  1. Adam Bremens, Hist. Eccles., Hist. de Grégoire VII
  2. Othlonis monachi Ratisbonensis Liber visionum tum suarum tum aliorum Apud Bernard Pez, Thes. Anecdot. Novissim.t. III.