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les hommes des lèvres du prêtre, qui les tenait de ses livres. Je n’accuse ni tes livres, ni le prêtre, ni les mères, et je ne vois rien de plus digne de respect que cette crédulité tant méprisée. J’y découvre le besoin le plus honorable de la nature humaine, et le plus inexorable en même temps, le besoin de l’infini. Il s’en fallait encore de deux cents ans que l’homme eût fait le tour de la terre il n’en connaissait encore ni l’étendue, ni la forme, ni la situation mais ce qu’il savait depuis longtemps, c’est qu’elle était trop petite. Il voulait voir au-dessous et au-dessus. On avait beau fouler aux pieds les pauvres dans la fange, ils n’étaient pas encore si bas qu’ils ne se souvinssent de leurs destinées, Ils voulaient, non-seulement qu’on leur enseignât le paradis, mais qu’on le leur décrivît, qu’on l’eût visité pour eux. On avait beau envelopper les rois dans une nuée d’encens et d’hommages, ils s’ennuyaient de ces honneurs qui devaient finir, et payaient des poëtes pour leur peindre l’éternité, sans oublier l’enfer, où sont punis les tyrans.

III

Tant d’ouvrages d’art, tant de productions dans un siècle, supposent l’effort d’une pensée qui vient de plus haut. Avant qu’un récit soit mis en vers,