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reprochée à Dante, au Tasse, à tous les poëtes italiens. Ce n’est pourtant pas le pédantisme de l’écrivain qu’il faut accuser, ce n’est pas le paganisme de la renaissance c’est l’Italie même qui ne veut rien perdre de ses traditions, toujours jalouse de ses gloires classiques et de ses gloires chrétiennes. Il n’y a presque pas une de ces vieilles cités italiennes qui ne prétende avoir dans ses fondements les ossements d’un saint et ceux d’un héros ou d’un poëte. Naples montre la sépulture de saint Janvier et celle de Virgile. Padoue avait élevé un monument incomparable à saint Antoine, mais elle conservait avec vénération la pierre qui passait pour le tombeau d’Anténor. Sienne, la ville des saints, gardait fièrement son titre de colonie romaine, et sur le parvis de sa cathédrale une colonne portait l’image de la louve et des deux jumeaux. Ce culte du passé eut ses excès, mais le principe en était respectable les hommes du moyen âge croyaient que la source des grandes actions est dans les grands souvenirs. Cependant toute la poésie des souvenirs, toute celle des chants guerriers et des monuments religieux, n’était encore qu’un souffle qui n’avait pas trouvé son instrument, tant qu’il lui fallut s’emprisonner dans cette langue latine, comprise, mais vieillie, mais impuissante à rendre la variété des sentiments nouveaux. La Fable raconte que Mercure enfant, jouant au bord de la mer, ramassa dans le sable une écaille de tortue dont il fit la première