Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 5.djvu/34

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le temps et l’espace ne me permettent pas de prolonger ces citations. Mais, quand les inscriptions se multiplient ainsi, qu’elles s’enchaînent entre elles, qu’elles se lient à un ensemble de tableaux, de bas-reliefs, de dispositions architecturales destinées à saisir l’imagination des hommes, on peut dire, sans abus de langage, qu’une cathédrale est un livre, un poëme, —et que le christianisme, tenant sa promesse, a tiré de la pierre des cris et des chants : « Lapides clamabunt. » Cette poésie des monuments s’écrivait en latin. Toutefois, ne croyons pas que les inscriptions latines fussent composées par les savants, et pour les savants qu’elles s’adressassent aux classes lettrées, c’est-à-dire au petit nombre. Tout y’est populaire les sentiments qu’elles expriment, la forme incorrecte qu’elles préfèrent, la rime qu’elles cherchent. Au onzième siècle, au douzième, jusqu’au treizième, la langue latine n’avait pas cessé d’être comprise en Italie, non des lettrés seulement, mais de tous. C’était en latin qu’on prêchait le peuple, en latin qu’on le haranguait, en latin qu’on lui composait des chants de guerre. En 954, les gens de Modène veillaient sur leurs murailles, menacées par l’irruption des Hongrois. Ces artisans et ces bourgeois, armés à la hâte pour la défense de leurs foyers, et qui voyaient déjà brûler les villages voisins, s’animaient en répétant un hymne guerrier que nous avons encore, et qui conserve, avec la