fait peu à peu, et comme par le travail de tout un siècle. La vie et les principaux miracles de saint François, attestés par ses contemporains, appartiennent à l’histoire : j’y crois, non que l’Église en ait jamais fait un article de foi, mais parce que la critique ne permet point de mépriser des témoins désintéressés et compétents. Mais, à mesure que le souvenir s’éloigne, les imaginations qui ne veulent pas s’en détacher se plaisent à la raviver par de nouveaux traits ; le prodige s’ajoute au prodige, sans mensonge, et seulement par ce besoin que nous avons de croire et d’admirer. Ainsi, à côté de l’histoire, commence la poésie. Dès le treizième siècle, la légende du Pauvre d’Assise, mise en hexamètres latins, et bientôt après traduite en vers français dans la langue des trouvères, rivalisa de popularité avec les aventures d’Alexandre et de César. Mais c’était l’Italie, c’était l’idiome consacré par la prédication de saint François, par les chants de ses disciples, qui devait recueillir les traditions éparses, y mettre l’unité, l’ordre, l’harmonie, et en faire, pour ainsi dire, l’épopée de la pauvreté chrétienne.
J’y trouve en effet tout ce qui constitue un poëme. Premièrement, un idéal divin rayonne d’un bout à l’autre du récit, et en rehausse tous les personnages. Cet idéal est le Christ, dont les saints ne reproduisent que les traits affaiblis. Saint François lui-même ne doit toute sa grandeur qu’à sa confor-