Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 5.djvu/236

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

si purs, ni la philosophie de spéculations si -hautes, qui ne pussent descendre dans l’idiome de la multitude. Il brûla donc ses vers latins ; et bientôt après les forgerons et les muletiers chantaient les stances de la Divine Comédie, en même temps que les docteurs montaient en chaire pour l’expliquer. C’est que Dante, comme nous t’avons déjà dit, venait de fixer la langue italienne. En effet, les langues sans grands ouvrages sont comme des villes sans monuments. Celles-ci se déplacent aisément, elles passent d’un bord du fleuve à l’autre, et de la colline à la vallée. Mais, si une grande basilique, un palais communal s’élève au centre de la cité, le puissant édifice retient, pour ainsi dire, les maisons qui s’appuient contre ses murs, et les habitants qui aiment l’ombre de ses tours. De même un monument littéraire retient, pour ainsi dire, autour de lui la langue dont il est le modèle, et la postérité ne s’en écarte pas facilement. La langue italienne était vivante : le poëme de Dante la fit immortelle.

Si, en finissant, je m’arrête avec complaisance au glorieux poëte dont Jacopone fut le précurseur, c’est que Dante tient de plus près qu’on ne pense à l’école religieuse et littéraire dès disciples de saint François. Non qu’il faille le compter, comme on l’a fait trop naïvement, au nombre des écrivains franciscains. Mais il épuisa toutes les richesses de son génie pour célébrer le Pénitent d’Assise mais