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n’est peut-être les cantiques de saint François et des premiers Franciscains encore les surpasse-t-il de beaucoup par le nombre et la variété de ses compositions. Il ne puise plus aux fontaines profanées du vieux Parnasse, mais à la source des larmes, mais à la veine intarissable de la douleur et du repentir. Pour lui, l’art des vers n’est plus un jeu ; mais un devoir. L’impétuosité de ses sentiments passe tout entière dans son style, et lui donne l’essor. Avant Jacopone, on voyait bien, pour ainsi dire, pousser les ailes de la poésie italienne ; mais elle attend jusqu’à lui pour les déployer. Si Jacopone laissa bien loin derrière lui ses devanciers, il eut le second mérite d’ouvrir la voie au plus grand de ses successeurs. On rapporte que Dante connut le poëte de Todi, qu’il l’aima, et qu’envoyé en ambassade auprès de Philippe le Bel, il lui récita des vers de ce religieux, dont la verve tenait en échec la politique de Boniface VIII. Quoi qu’il en soit, Dante, au moment de prendre la parole, non devant un roi, mais devant l’auditoire immense que les siècles lui ont, donné, trouvait assûrement les esprits préparés par celui qui le précéda comme poëte théologique, comme poëte satirique, comme poëte populaire.

Comme poëte théologique, Jacopone osa, le premier des modernes, demander la métaphysique chrétienne, non des vérités seulement pour instruire les hommes, mais des beautés pour les ravir non