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le pénitent, le mondain converti par la mort d’une épouse chrétienne, ne pouvait porter, dans un tel sujet, ni la licence de Juvénal, ni la gaieté des fabliaux. Sans doute il sait que, selon l’expression d’un contemporain, il n’y a pas d’artiste qui emploie plus d’engins, d’outils et d’industrie pour l’exercice de son art, que les femmes d’Italie pour le soin de leurs personnes[1] . Il n’épargne aucun des artifices dont les Italiennes de son siècle usaient pour relever leur stature, pour rendre à leur teint la blancheur et l’éclat. Si leurs mains délicates ne peuvent manier la lance, il est des paroles acérées qui perceraient toutes les cuirasses. Mais ce qui touche surtout Jacopone, c’est le péril des âmes sollicitées par ces belles et dangereuses créatures. « Ô femmes ! considérez les mortelles blessures que vous faites : dans vos regards vous portez la puissance du basilic.- Le serpent basilic tue l’homme, rien qu’en le regardant. Son œil empoisonné fait mourir le corps. Le vôtre, plus a cruel, fait périr les âmes ; il les dérobe au Christ, leur doux Seigneur, qui les acheta bien cher. -Le basilic se cache, il ne se fait pas voir ; quand il reste sans regarder, il ne cause point de mal. Vos déportements sont pires que les siens, et vos

  1. Benvenuto d’Imola , Comment. ad cant. 23, Purgatorii  : « Nam nulli artifices in mundo habent tam varia organa et diversa instrumenta, et subtilia argumenta pro artificio suae artis, sicut mulieres florentinae pro cultu suae personae ».