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les chrétiens seuls ont creusé les étroits corridors qui devaient cacher les mystères de leur foi et le repos de leurs tombes. Ces labyrinthes comptent quelquefois jusqu’à trois et quatre étages ; ils s’enfoncent à quatre-vingts, cent pieds sous terre ; souvent un seul homme y trouve à peine son passage en baissant la tête : à droite et à gauche, plusieurs rangs de fosses pratiquées dans le mur, basses, larges et profondes, où les corps grands et petits prenaient place les uns à côté des autres, et qu’un peu de chaux fermait ensuite pour toujours. Le souterrain fait mille détours, comme afin de tromper les poursuites des païens et à mesure qu’on en suit les sinuosités, il semble qu’on sente les approches des persécuteurs, qu’on entende le bruit de leurs pas, et que ce soit pour ce motif que la galerie se détourne, monte, s’abaisse, et cherche à se cacher dans les dernières profondeurs de la terre. Jusqu’ici on ne voit que l’ouvrage de la terreur et de la nécessité ; mais c’est en même temps un ouvrage éloquent. Aucun édifice sorti de la main des hommes ne donne de plus grandes leçons. En pénétrant dans ces voies ténébreuses, on apprenait à se séparer de tout ce qui est visible, et de la lumière même par laquelle tout est visible. Le cimetière y enveloppait tout le reste, comme l’éternité enveloppe le temps ; et les oratoires pratiqués de distance en distance pour la célébration des saints mystères étaient comme autant de jours ouverts sur l’immortalité,