livrer. La poésie est dans l’âme du poëte comme la statue dans le marbre ; le y est captive, et il faut qu’elle en sorte. De même que le ciseau fait voler en éclats les couches de pierre, sous lesquelles se dérobait la forme conçue par le sculpteur, ainsi la pénitence, en frappant à coups redoublés sur Jacopone, emportait l’une après l’autre les enveloppes de la sensualité, de la vanité, de l’intérêt, qui retenaient l’inspiration prisonnière. Pour s’être dégagé du commerce du monde, il ne s’en trouvait que plus près de la nature ; il n’aimait que d’un amour plus désintéressé, plus clairvoyant, la beauté idéale, présente, quoique voilée, dans tous les ouvrages de la création. Au plus fort de ses ravissements et quand Dieu seul semblait le posséder, il s’écriait « Je veux aller à l’aventure ; je veux visiter les vallées, les montagnes et les plaines ; je veux voir si ma bonne étoile m’y fera rencontrer mon amour si doux. Tout ce que l’univers contient me presse d’aimer. Bêtes des champs, oiseaux, poissons des mers, toutce qui plane dans l’air, toutes les créatures chantent devant mon amour.[1]» Quand une âme entend ce chant des créatures, elle ne tarde pas à le répéter ; le rhythme naît de lui-même sur les lèvres émues. D’ailleurs, Jacopone, entrant dans le cloître, le trouvait déjà tout retentissant des cantiques
- ↑ Jacopone, Poesie spirituali, lib. VI, XXXIX