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conférence embrassait toute la terre. « Sache Votre Sainteté, répondit le religieux, que la grandeur de la cloche désigne la puissance pontificale qui embrasse le monde. Mais prenez garde que le battant ne soit le bon exemple que vous ne donnerez pas[1] ».

Ces présages sinistres semblèrent se réaliser aux yeux de Jacopone, lorsque Boniface, révoquant les concessions de son prédécesseur, supprima les priviléges des Frères Spirituels, et les remit sous l’obéissance des supérieurs Conventuels. Au moment où un coup si funeste frappait les ardents réformateurs de l’Ordre de Saint-François, des rumeurs étranges commençaient à se répandre. On accusait Boniface d’avoir extorqué l’abdication de Célestin V, en l’effrayant par des bruits nocturnes ; d’avoir jeté le saint vieillard dans une prison pour l’y faire mourir de la main des bourreaux. Rien n’était vrai dans ces récits mais le mécontentement les semait, la crédulité les recueillait ; et les consciences trompées commençaient à se demander si l’on pouvait reconnaître pour le vicaire du Christ

  1. Wadding, tom. V, ad ann. 1298.

    La mémoire de Boniface VIII, indignement calomniée, a été honorablement défendue par Mgr Wiseman (Dublin review, om. XV, no 22) et par D. Tosti (Storia di Bonifazio VIII). Je me suis attaché premièrement au témoignage impartial et oculaire du cardinal de Saint-Georges, ensuite au jugement des historiens les plus désintéressés et les plus graves, tels que Mansi et Dœllinger. Mansi me parait avoir caractérisé Boniface VIII avec une équité parfaite : « Ingentes animi dotes contulit, quanquam saeculari principatui quam ecclesiastico aptiores. » (Annal. eccles.., ad ann. 1303.)