dompter à tout prix les révoltes de la nature. On rapporte qu’au milieu de ses jeûnes il se souvenait des banquets délicieux où jadis il avait convié ses amis. Poursuivi de la tentation de rompre l’abstinence, il prit une viande sanglante, la suspendit dans sa cellule, et l’y garda jusqu’à ce qu’elle fût tombée en pourriture. « Voilà, disait-il à ses sens, la pâture que vous avez souhaitée ; jouissez-en. » Mais il arriva que l’odeur de la chair corrompue se répandit dans le couvent, et trahit l’infraction de la discipline. Les cellules furent visitées, le coupable reconnu, et jeté dans le lieu le plus odieux de la maison. Alors, vengé de lui-même, il composa un cantique de triomphe sur ce refrain : « Ô joie du cœur, qui fais chanter d’amour.[1] »
Il semble qu’arrivée à ce point d’anéantissement volontaire, la vie du pénitent de Todi n’ait plus qu’à finir et c’est au contraire ici qu’elle recommence. C’est dans le secret de ses guerres intérieures que cette âme intrépide s’était préparée aux luttes publiques où le malheur des temps allait la précipiter, ou elle devait pécher par l’emportement de son zèle, et se faire tout pardonner par la pureté de ses intentions.
Les dissensions que Jacopone avait cru fuir en
- ↑ Wadding, Jacopone, Poesie spirituali, V, XXII
O giubilo del core
Che fai cantar d’amore