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poursuivre à la cour, de Rome une négociation difficile, il étonnait ses compagnons par sa patience : « Comment, lui disait-on, ne vous lassez-vous point de vivre avec de telles gens ? Et moi, répondait-il, je m’étonne qu’ils me supportent et ne me chassent pas comme le démon. » En. effet, c était sa doctrine comme celle de tous les sages, que l’homme doit s’appliquer a la connaissance de soi. Mais celui qui se connaît se, voit méchant, il se juge donc haïssable, il veut donc être haï ; et dès lors périssent dans leur germe l’orgueil, l’envie et la colère. Cependant l’homme, en détestant le mal qui est en lui, ne saurait cesser d’aimer l’existence, qui lui vient de Dieu et Jacopone voulait concilier tous les droits, de telle sorte « qu’on ne tombât point dans le vice. pour sauver la nature, mais qu’on ne détruisît pas la nature pour déraciner le vice[1]. Ainsi écartait- il ce reproche injustement adressé au mysticisme chrétien, d’avoir serré les liens de la nature humaine jusqu’à l’étouffer. Pendant qu’il enchaînait les sens, il ne travaillait qu’à l’affranchissement de l’âme c’est ce qu’il exprimait par la parabole suivante, où se montre bien l’imagination d’un poëte : « Une jeune fille parfaitement belle, et qui possédait une pierre

  1. Conformitatem, , f. 53, recto et verso : « Ordo autem odiendi est ut odiatur consuetudo vitiorum et diligatur esse naturae, ita quod utrumque suos servet terminos, ut nec propter servandam naturam incidat in vitium, nec propter exterminanda vitia corrumpatur natura. »