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qu’on peut exprimer par la parole ou concevoir par la pensée. Je voudrais aussi de bon cœur qu’au sortir de la vie les démons emportassent mon âme dans le lieu des supplices, pour y supporter tous les tourments dus à mes péchés, à ceux des justes qui souffrent en purgatoire, et même des réprouvés et des démons, s’ils se pouvait ; et cela jusqu’au jour du jugement dernier, et plus longtemps encore, selon le bon plaisir de la majesté divine. Et, par-dessus tout, il me serait très-agréable et d’un souverain contentement, que tous ceux pour qui j’aurais souffert entrassent avant moi dans le ciel, et qu’enfin, si j’arrivais après eux, tous ensemble s’entendissent pour me déclarer qu’ils ne me sont redevables de rien. » Sans doute il y a de l’excès. dans des vœux si hardis mais c’est l’excès de Moïse et de saint Paul souhaitant de devenir anathèmes pour le salut des pécheurs[1].

Le danger de cette hauteur de sentiments, c’est de s’y complaire c’est l’orgueil, qui tente le Stylite sur sa colonne, aussi bien que, le Cynique dans son tonneau. Voilà pourquoi Jacopone, voulant établir solidement l’amour de Dieu et des hommes, le fondait sur le mépris de soi-même. Chargé de

  1. Wadding « Ad haec Jesu Christi amore supplicia tolerarem omnia pro demonibus, paratus ad inferos ad diem usque supremum judicii habitare, et diutius etiam, quamdiu videlicet divinae majestati videretur necessarium», etc.