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ment. Tout à coup l’estrade s’écroule. Au bruit des madriers qui se brisent et des cris qui éclatent, Jacques se précipite, reconnaît sa femme parmi les victimes, l’enlève encore palpitante, et veut la délivrer de ses vêtements. Mais elle, d’une main pudique, repoussait les efforts de son mari, jusqu’à ce que, l’ayant portée dans un lieu retiré, il put la découvrir enfin. Sous les riches tissus qu’elle portait, il aperçut un cilice au même instant, la mourante rendit le dernier soupir.

Cette mort soudaine, ces austères habitudes chez une personne nourrie dans toutes les délicatesses de l’opulence, la certitude enfin d’être le seul coupable des péchés expiés sous ce cilice, frappèrent le jurisconsulte Todi comme d’un coup de foudre. Le bruit se répandit que l’excès de la douleur venait de déranger ce grand esprit. Après quelques jours d’une morne stupeur, il avait vendu tous ses biens pour les distribuer aux pauvres ; on le rencontrait couvert de haillons, parcourant les églises et les rues, poursuivi par les enfants qui le montraient au doigt, et l’appelaient Jacques l’Insensé, Jacopone. On racontait même qu’invité aux noces de sa nièce, il s’y était rendu sous un étrange travestissement, tout hérissé de plumes, peut-être pour railler amèrement la frivolité des plaisirs qu’il venait troubler. Sa famille lui reprochant ce délire : « Mon frère, avait-il répondu, pense illustrer notre nom par sa magnificence ; j’y veux réussir