Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 5.djvu/145

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ne ressentait encore que les désastres des guerres saintes, sans pouvoir en juger les bienfaits. D’un autre côté, cette génération de papes héroïques, dont Grégoire VII fut le premier, avait paru s’arrêter à Innocent IV. La puissance impériale, vaincue en la personne de Frédéric II, ne songeait plus qu’à dompter l’insubordination de ses vassaux d’Allemagne. Ainsi l’Italie avait vu finir cette lutte des deux pouvoirs spirituel et temporel qui la déchirait, mais pour la féconder. Au lieu des doctrines, c’étaient maintenant les intérêts qui armaient les villes contre les villes, les nobles contre les plébéiens, les plébéiens enrichis contre le petit peuple ; et ces formidables noms de Guelfes et de Gibelins, au lieu de représenter des idées, ne couvraient plus que des haines. L’abaissement de la société se faisait sentir dans l’École. Depuis qu’elle avait perdu ses deux chefs, saint Thomas d’Aquin et saint Bonaventure, le combat s’était engagé autour de ces illustres morts entre ceux qui se disputaient leurs dépouilles. À la métaphysique puissante qui soutenait tout l’édifice de la Somme de saint Thomas, se substituaient les subtilités de l’ontologie et de la dialectique. On commençait à délaisser les études libérales pour des sciences plus lucratives : et les dix mille écoliers qui se pressaient aux leçons des jurisconsultes de Bologne avaient plus soif d’or que de justice. Si quelques esprits meilleurs se dégageaient de la foule, la tristesse des choses humaines