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mures. Frà Jacomino va plus loin ; il n’hésite pas à représenter ses paladins célestes sur de blancs destriers, et les chevaux de bataille frappant du pied le pavé d’or de la Jérusalem éternelle, à peu près comme à Sienne, au jour de l’Assomption, des hommes d’armes à cheval entraient dans la cathédrale, et allaient à l’offrande entre deux rangs de jeunes filles voilées. Aux images du paradis sacerdotal, qui avait contenté la piété des premiers temps chrétiens, se mêlaient celles d’un paradis chevaleresque, conforme aux habitudes guerrières du treizième siècle.

Mais déjà cette musique toute divine dont notre vieux poëte raconte si complaisamment les effets, ces chants qui n’ont pas d’écho sur la terre, ces fleurs qui couronnent le front des saints, sont comme les premières ébauches d’un paradis poétique fait pour la délicatesse des imaginations modernes. Dante achèvera de le peindre à bien peu de frais, et avec des traits presque immatériels, quand il décrira le ciel sous la forme d’une grande rose blanche dont les feuilles sont les trônes des bienheureux, et du calice de laquelle les anges, comme autant d’abeilles, montent vers le Soleil éternel. C’est ainsi que l’art chrétien se plie successivement aux habitudes des esprits, pour les entretenir de la vie future, qu’ils ne peuvent concevoir, mais qu’il ne leur permet pas d’oublier. Cependant, de ces peintures impuissantes, se dé-