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lui-même, l’austère exilé, le disciple d’Aristote, de Virgile et de saint Thomas, n’hésite pas à interrompre l’éternel ennui de son Enfer par les scènes bizarres des damnés se débattant sous l’onde fétide, et par la trompette ridicule au son de laquelle marchent les démons.

Ces rapprochements font l’excuse de Frà Jacomino ils achèvent de le ranger parmi ces poëtes hardis qui frayèrent, à l’auteur de la Divine Comédie les chemins de l’éternité. Mais le Franciscain, moins sûr de ses forces, plus pressé d’arriver au terme, ne passe pas, comme Dante, par la montagne du Purgatoire pour s’élever au Paradis. Il se conforme plutôt à la pensée de saint Augustin, à qui il semble avoir emprunté l’idée des deux cités ennemies, bâties par deux amours : l’une par l’amour de Dieu poussé jusqu’à la haine de soi, l’autre par l’amour de soi poussé jusqu’à la haine de Dieu. A lit Babylone de l’Enfer il oppose la Jérusalem du ciel. Là rien ne trouble plus la sérénité de son imagination ni la douceur de son langage. Il ne reste qu’à le traduire en l’abrégeant quelquefois, mais en se gardant bien de l’interrompre. « D’une sainte cité je vais deviser un peu ; je vais dire, à qui veut l’entendre, comment elle est faite au dedans ; et si quelqu’un retient ce que j’en dirai, grand profit lui fera, sans mentir. La Jérusalem céleste est son nom, ville du Dieu très-haut, illustre et belle, où le Christ est Seigneur, bien