duire aux enseignements de l’Écriture sainte, des Pères et des docteurs et c’est de leurs paroles, comme d’autant de traits, qu’elle cherche à composer un tableau moins varié, mais plus sûr, des deux éternités. C’est au second parti que Fra Jacomino s’est rangé, et à cette préférence même on reconnaît bien l’homme d’Eglise, le théologien nourri des lettres divines et humaines, qui s’honore de ne rien tirer de son fonds, de tout emprunter, comme il le dit, aux textes sacrés, aux sermons, aux écrits des saints. Rien n’est plus commun au moyen âge que ces sortes de compilations. Mais la hardiesse et la nouveauté, c’était de les revêtir d’une forme poétique, d’un langage plébéien, de les destiner à la foule qui s’attroupait autour des chanteurs, sur les places et les marchés. En effet, les deux compositions dont il s’agit, écrites en dialecte véronais, l’une de trois cent quarante vers, l’autre de deux cent quatre-vingts, ont toute la forme de ces Chansons de Geste qui faisaient le tour de l’Europe au treizième siècle. Les vers de treize syllabes, rangés quatre à quatre en stances terminées par les mêmes rimes, rappellent les alexandrins et les tirades monorimes de nos vieux poëmes carlovingiens. On reconnaît même, au commencement et à la fin, l’imitation de ces passages où les romanciers s’efforcent de réveiller la curiosité de leur auditoire par les grands récits qu’ils promettent et par le mépris qu’ils font de leurs devanciers et de leurs
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