souvenir de frère Jacomino de Vérone, et le nom même de ce religieux serait perdu, s’il ne se lisait à la fin d’un poëme conservé à la bibliothèque de Saint-Marc, à Venise. Si Jacomino écrivait avant la fin du treizième siècle, comme on peut le conjecturer par tous les caractères extérieurs du manuscrit, il ne faut pas s’étonner que, voisin du berceau de l’Ordre, il en ait porté la première ferveur et la première simplicité dans les vers où il a voulu, comme il dit, rimer deux histoires : l’une de l’Enfer, l’autre du Paradis. Ces deux sujets n’avaient jamais cessé d’occulter les imaginations chrétiennes. Ce n’était pas assez qu’on prêchât au peuple les joies et les peines éternelles : il voulait qu’on les peignît, qu’on les sculptât sur les murs de ses églises, qu’on lui fit de longs récits de cette autre vie, la seule où il espérait trouver le repos et la justice. Le monde invisible fait donc pour ainsi dire le fond et l’arrière-scène de toute la littérature du moyen âge ; mais il y est représenté de deux manières. Tantôt les esprits s’attachent à ces visions de la vie future, à ces voyages au ciel ou en enfer, si souvent répétés dans les légendes des saints, dans les chroniques, dans les traditions populaires, qui se prêtent facilement aux interpolations, aux allusions, aux satires, à toutes les libertés poétiques[1]. Tantôt une piété plus savante aime mieux se ré -
- ↑ Voyez les Recherches sur les sources poétiques de la Divine Comédie, à la fin de ce volume.