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aimés. On ajoute que l’empereur, renouvelant pour lui l’ancienne coutume romaine, lui avait décerne la couronne poétique, celle qui plus tard devait ceindre le front de Pétrarque et du Tasse. Cet homme n’avait plus rien à attendre de la gloire humaine, lorsqu’un jour il entra dans une église du bourg de San Severino où François prêchait. Perdu dans la foule, il considérait ce mendiant, dont il avait entendu railler la folie, et dont l’éloquence le ravissait ; il crut le voir traversé de deux épées en croix : la première descendait de la tête aux pieds, la seconde allait de l’une à l’autre main. En même temps, dit la légende, il se sentait percé lui-même du glaive de la parole divine et, renonçant aux pompes du siècle, il alla se jeter aux pieds du bienheureux Père, qui lui donna l’habit et le nom de Frère Pacifique, parce qu’il le voyait « converti de l’inquiétude du monde à la paix du Christ. » Mais, en faisant quitter à Frère Pacifique les livrées du siècle, saint François n’avait point exigé de lui l’oubli de sa première profession. Lui qui avait toujours des chants sur les lèvres, et à qui les anges venaient donner des concerts, comment aurait-il pensé à bannir les poëtes de sa république ? Quand il improvisait ses cantiques, il chargeait le nouveau converti de les réduire à un rhythme plus exact, donnant ainsi un grand exemple de respect pour ces règles de l’art, dont les bons esprits ne se dispensent jamais. De son côté, l’ancien trou-