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nait des jeux, dressait des cadastres comme tous les Césars. La société ancienne sortait de ses ruines, et prenait possession des belles provinces de la Gaule. Les contemporains eux-mêmes s’y trompèrent. Le poëte Fortunat, retenu à Poitiers par la pieuse amitié de sainte Radegonde, charmé des soins qu’il en reçoit, des corbeilles de fruits dont on charge sa table et des roses dont elle est jonchée, finit par se croire au siècle de Tibulle et d’Horace. Dans les jeux d’esprit des poëtes comme dans les conseils des rois, on reconnaît en Neustrie l’ascendant de ce génie latin qui dompta sans l’étouffer le sang germanique, se rendit maître de la langue, des mœurs, de la législation, et qui devait finir par constituer l’unité de la France au dedans, sa puissance au dehors.

Le christianisme semblait s’enraciner plus facilement dans un sol préparé de longue main. Les commencements, il est vrai, avaient été laborieux. On avait vu les satellites de Frédégonde massacrer l’évêque Prétextât au pied de l’autel ; deux filles de rois, Chrodielde et Basine, troubler de leurs emportements le monastère de Sainte-Radegonde, et, faire chasser à coups de bâton les évêques assemblés dans la basilique pour les juger. Mais peu à peu les gens de guerre apprirent à laisser leurs armes à la porte de l’église, à recevoir la parole des chaires et les lois des conciles. Une lettre de Childebert I°, adressée en 554 au clergé et au peuple, ordonne