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Les Irlandais imitent les grammairiens de Toulouse.-Hisperica famina.

Mais, en même temps que l’école irlandaise a toute une poésie populaire dans ses légendes, elle cherche à se créer une littérature savante, réservée au petit nombre des initiés, imitée de ces écoles d’Aquitaine dont tout l’effort était de cacher la science pour la sauver. En effet, quand on suit les pèlerins d’Irlande sur le continent, on ne peut méconnaître les préférences qui les rapprochent des Aquitains, soit qu’ils trouvent parmi eux leurs plus zélés disciples et les compagnons de leurs travaux, soit qu’ils aillent, comme saint Fridolin, visiter les sanctuaires de cette province, aussi féconde en saints qu’en grammairiens et en rhéteurs. C’est ainsi que la langue mystérieuse du docteur de Toulouse put traverser la mer et pénétrer dans le cloître de Bangor. Parmi les chants composés pour ce monastère, plusieurs hymnes présentent déjà les caractères d’un art savant qui cherche les difficultés et les ténèbres. Les mots grecs s’y mêlent aux latins, et le poëme en l’honneur de saint Comgall pousse le goût de l’allitération jusqu’à ce point que les dix vers de la première strophe commencent par un A, et les dix vers de la quatrième par un D. Vers le même temps, l’Anglo-Saxon Aldhelm félicite un ami revenu des écoles d’Irlande, et lui écrit dans le langage des adeptes. Enfin, les douze latinités de Virgile l’Asiatique reparaissent chez l’auteur inconnu, mais assurément irlandais, d’un écrit intitulé « Paroles de l’Occident » (Hisperica