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Les moines et les bardes.

C’est le mérite des Irlandais d’avoir su populariser l’antiquité, d’avoir, pour ainsi dire, entrelacé le rameau d’or d’Homère dans la couronne légendaire de leurs saints. Leur poésie religieuse s’inspire de tous les souvenirs, et leurs moines, si passionnés pour les lettres classiques, ne peuvent se détacher des chants de leurs bardes. Et pourquoi s’en détacheraient-ils, puisque saint Patrice trouva parmi les bardes ses deux plus fidèles disciples, puisque Ossian même ne résista pas à la prédication du.saint, et finit par se convertir ? Ainsi l’assurait un vieux récit, selon lequel Ossian, chargé d’années, fatigué de voir Patrice parcourir la contrée avec son cortége psalmodiant, l’aborde un jour, et lui propose de lui conter les actions des anciens rois. Patrice rappelle d’abord le vieillard à de plus sérieuses pensées. Mais enfin, touché de ses larmes, il se rend, et se laisse répéter jusqu’au bout l’histoire de Finn et d’Osgur[1]. Les moines faisaient de même eux aussi se laissaient redire les fables de leurs aïeux: ils en portaient quelquefois les traits dans ces légendes comme celles de saint Brendan et de saint Patrice, que l’Église n’a pas adoptées, mais qui devaient faire le tour de l’Europe.


    men adhuc retinet. » La Légende latine de S. Brandaine, publiée par Achille Jubinal. Cf. Odyssée, IX, v. 539.

  1. Brooke, Reliques of Irish poetryp. 73. Voyez le poëme intitulé la Chasse merveilleuse ; Ossian y porte son nom irlandais d’Oisin.