Les bibliothèques.
L’histoire de saint Luan est celle de toute l’Irlande. Ce peuple de pâtres, resté pendant tant de siècles hors du commerce intellectuel du monde, veut savoir tout ce qu’il a ignoré. Il se jette avec emportement dans toutes les études, qui commencent à devenir trop vastes pour les sociétés dégénérées du continent. Les livresse multiplient comme les rois ont leurs bardes et leurs généalogistes, chaque monastère a ses scribes, qui propagent les textes. sacrés et profanes. Si quelque dispute religieuse s’élève, on y produit non-seulement les traités des Pères latins, de saint Cyprien, de saint Jérôme, de saint Augustin, de saint Grégoire, mais aussi les écrits des Pères grecs, et, par exemple, les lettres de saint Cyrille. Deux récits légendaires font voir quel respect religieux s’attachait à l’humble travail des copistes. On montrait à Kildare un livre enrichi de peintures, et la tradition voulait qu’un ange fût venu chaque nuit conduire la main de l’écrivain qui les avait tracées. On racontait aussi de saint Colomba, qu’averti de sa mort la veille du jour où Dieu le rappela, il avait passé plusieurs heures à copier un psautier, jusqu’à ce qu’arrivé à la fin d’une page où le trente-troisième psaume
de S. Luan à ses disciples : « Charissimi fratres, bene colite terramet ben elaborate, ut habeatis sufficientiam cibi et potus et vestitus. Ubi enim sufficientia erit apud servos Domini, ibi stabilitas erit ; et ubi stabilitas, ibi religio. » Cf. Vita S. Mochoemogi, apud Fleming, ibid. « Ita in moribus honestis scientiaquo litterarum nutrivit cum. » vita S. Comgalli, ibid., Et litteras apud quemdam clericum qui habitabat in villa, in rure didicit.»