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Ce qui frappe d’abord dans les écrite de Fortunat, c’est le spectacle de ce monde romain qui semblait en ruines, et dont on retrouve partout les opinions, les coutumes et les vices. Les désastres de l’invasion se réparent, et dans vingt pièces le poëte célèbre les églises, les palais, les villes que des mains libérales ont relevés. Toutes tes vieilles cités de Neustrie rivalisent à ériger sur les tombes de leurs saints patrons des basiliques ornées de colonnades, garnies de vitraux, rehaussées d’or, toutes vivantes de sculptures et de peintures. Les villes austrasiennes de Trêves, de Cologne, de Mayence, imitent cet exemple, et ne se souviennent plus des


    t. II, p. 312 et suiv.)à ce poëte, que M. Thierry a fait aussi revivre dans un des plus heureux tableaux de ses Récits mérovingiensAprès de tels historiens, il ne restait qu’à traiter le seul point de la vie de Fortunat qu’ils eussent néglige. Venant. Hon. Fortun. Carmina Libri IX, 23:

    Non digitis poteram, calamo neque pingere versus
    Fecerat incertas ebria musa manus.
    Nam mihi, vel reliquis sic vina bibentibus apta,
    Ipsa videbatur mensa natare mero.


    Idem, lib. II, 10 :

    Scabrida nunc resonat mea lingua rubigine verba,
    Exit et incompto raucus ab ore fragor.

    Idem, de Vita S. Martini, lib I, 29 :

    Parvula grammaticae lambens refluamina guttae
    Rhetoricae exiguum praelibans gurgitis haustum,
    Cote ex juridica cui vix rubigo recessit.

    Ces vers montrent que les écoles de Ravenne, où Fortunat avait bien ou mal étudié, conservaient les trois degrés de l'enseignement que nous trouvons à Rome et dans les Gaules : la grammaire, la rhétorique et la jurisprudence.