Ainsi l’Église travaillait à l’émancipation des
communes mais il fallait les peupler d’hommes
libres. Sans doute la loi germanique appelait toute
la nation à délibérer de ses destinées, tout le canton
à juger ses procès mais elle excluait de l’assemblée
les esclaves, elle condamnait les lides, les
serfs, à une infériorité éternelle. Quel espoir pour
eux de franchir jamais tous les degrés qui séparaient
la servitude de la liberté, et la liberté de la noblesse ?
C’est là que le christianisme devait intervenir avec
une persévérance qu’il n’a pas coutume de porter
dans les affaires temporelles. La religion ne paraissait
qu’un jour par règne, trois fois, six fois par
siècle, pour sacrer les rois:c’était
le travail de tous
les jours d’affranchir les peuples. Il fallait d’abord
établir dans les âmes cette doctrine de l’égalité, si
dure pour les oreilles des puissants. L’Église ne
l’épargna ni aux rois ni aux nobles. Le moine Marculf
disait à Childebert « Les hommes t’ont constitué prince:ne t’élève pas, mais sois l’un d’eux au milieu d’eux. » Jonas d’Orléans rappelait aux
puissants que Dieu leur avait donné autant de frères
dans ces pauvres dont ils méprisaient la peau calleuse
et les haillons. Il avait de sévères paroles contre
les nobles francs, si impitoyables quand un vilain
avait touché aux bêtes de leurs chasses:« C’est une
chose
misérable et tout à fait digne de larmes ;
disait-il, que, pour des bêtes qui n’ont point
été nourries par la main des hommes, mais que