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ganisme avait déplacé l’idée de Dieu, et, en touchant à cette idée, qui est le fond de l’entendement humain, il avait mis la confusion dans l’entendement. La création divinisée était pleine de mystères qui ne se laissaient pas interroger. L’histoire demeurait aussi inconnue que la nature, et les Germains ignoraient encore le reste des hommes, quand la conquête romaine vint les instruire. Rien ne les sollicitait à s’éclairer. Les barbares n’aimèrent jamais le travail, et moins que tout autre, le travail d’esprit. Après la guerre et la chasse, ils trouvaient leur passe-temps à rêver dans leur hutte enfumée[1]. Ils ne connaissaient pas, comme les peuples du .Midi, cette vie de la place publique, ces longues journées de disputes, ces plaisirs de la parole qui réveillent et exercent la raison. Dans le sommeil de leur pensée, comment la notion du bien et du mal ne se fût-elle pas obscurcie ? Les volontés étaient donc déréglées, elles étaient inefficaces : livrées sans défense à la passion du moment, elles en avaient la fougue et aussi la mobilité. On reconnaît a ces traits les Germains de Tacite, passant le jour et la nuit dans le vin et dans le jeu se prenant de querelle, et finissant par s’entre-tuer ; inconstants en toutes choses, excepté dans la poursuite de la ven-(<)

  1. Tacite, Germania, 20 « In omni domo nudi et sordidi. excrescunt. Inter eadem pecora, in eadem humo degunt ». Ibid., 15 « Quoties bella non ineunt, non multum venatibus, plus per otium transigunt... ipsi habent... cum iidem homines sic ament inertiam. »