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enfants, qui prenaient le genre humain pour famille et les nations pour leur postérité, on commença à connaître quelque chose de plus pur et de plus fort que l’autorité paternelle, une paternité des âmes, un pouvoir dégagé des liens du sang. On comprit la possibilité du dévouement pour des intérêts moins étroits que ceux de la parenté et l’idée du bien public se fit jour.

Les moines et les communes.

Mais l’exemple décisif et qui achevait d’éclairer les esprits, c’était celui du cierge monastique. La barbarie, en pénétrant dans l’Église par toutes les portes, s’était introduite jusqu’au fond des cloîtres ; mais une réforme vigoureuse, prêchée par l’ermite Benoît d’Aniane, avait relevé la discipline ancienne. Sous sa présidence, une assemblée d’abbés, tenue en 817 à Aix-la-Chapelle, rétablit la règle bénédictine, et en fixa l’interprétation.[1]. Les

  1. M. Guizot a jugé sévèrement la réforme de saint Benoit d’Aniane : il n’y voit qu’une dégradation de la règle primitive. Cependant la nécessité de cette réforme résulte des tentatives répétées qui la précédèrent. Cf. Schannati, Concilia, t. 1 Regularia decreta fratribus monasterii Murbacensis, patefacia circa ann 803 ; Libellus supplex monachorum Fuldensium, 812. Les quatre-vingts articles de l’assemblée d’Aix-la-Chapelle venaient mettre un terme aux explications arbitraires qui énervaient la règle, ou qui introduisaient le despotisme des abbés. Ainsi s’expliquent les dispositions où l’on fixe les rations des frères et le nombre des vêtements, où l’on interdit l’usage de la saignée générale et des fustigations publiques. Je n’y vois rien que de libéral et de sensé, et je m’étonne que le grand esprit de M. Guizot n’y ait aperçu qu’une législation minutieuse et puérile. Il faut se souvenir que ce furent pourtant les hommes formés à cette école qui achevèrent la conquête religieuse de l’Europe, et que les armées civilisatrices avaient besoin de toute