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leurs grands coups d’épée, ou bien par la noblesse de leur race. Il n’y avait là qu’un pouvoir de chair et de sang, appuyé sur les instincts grossiers des hommes, et comprimant l’essor des facultés morales, principes de tous les droits. Mais comme un pouvoir matériel n’agit qu’en se faisant voir, celui-ci ne pouvait maintenir qu’une subordination momentanée il cessait d’être obéi aussitôt qu’il était absent : Tous les liens se rompaient, lorsque, après le combat, les bandes se dispersant, chacun rentrait dans sa maison solitaire au bord des bois. Les Germains aimaient cet isolement qui faisait leur indépendance, mais leur impuissance en même temps. Ils avaient horreur des villes ; et, leur prévoyance ne s’étendant pas au delà du besoin présent, ils formaient des confédérations ; mais rien ne les sollicitait à constituer de grands États. Voilà pourquoi la barbarie n’entreprit aucun de ces ouvrages qui exigent l’effort commun d’un grand nombre de volontés, afin de durer plusieurs siècles. Elle ne fonda point, elle ne bâtit point, elle n’écrivit pas de lois, elle ne laissa pas de monuments ; en sorte qu’il n’y a rien de plus faible au fond que cette force qui abrutit les hommes quand elle les gouverne, et qui les laisse désunis quand elle se retire[1].

  1. Tacite Germania, 16 : « Nullas Germanorum populis urbes habitari satis notum est, ne pati quidem inter se junctas sedes : colunt discreti ac diversi ut fons, ut campus, ut nomus placuit. »