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la tête au mourant et de brûler son corps. La loi du Nord voulait en effet, et Odin l'avait ainsi ordonné, que les mourants fussent achevés a coups de lance : les portes de la Valhalla ne s’ouvraient qu’à ceux qui portaient la marque du fer. C’est seulement vers la fin du septième siècle qu’un évêque irlandais nommé Kilian, accompagné du prêtre Colman et du diacre Totnan, entreprit de porter la foi sur les bords du Mein, et pénétra jusqu’à Wurtzbourg. La légende ajoute que, le pays lui ayant plu, il se rendit à Rome, et sollicita du pape Conon la mission d’évangéliser les Thuringiens ; Leur duc demanda le baptême ; mais, comme il avait pour épouse la femme de son frère, et que l’évêque exigeait la rupture de cette union incestueuse, la nouvelle Hérodiade fit assassiner le saint avec ses deux compagnons. On a contesté l’authenticité de cette tradition, qui n’a pourtant rien de suspect. Le paganisme, vaincu dans les esprits, se réfugiait dans les passions : c’était là qu’il devait faire une défense désespérée. Kilian paraissait à la cour de Thuringe, comme Colomban à celle d’Austrasie, pour commencer ce long combat de l’Eglise contre l’impudicité des grands, qui remplit tout le moyen âge, où l’on n’a vu que la rivalité de deux puissances, mais où il s’agissait de toute la société chrétienne, et de savoir qui resterait maître du monde, l’esprit ou la chair[1].

  1. Vita Radegundis, ap. Act. SS. O.S.B., saec.2; Vita Ar-