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était maîtresse du monde, les moines inauguraient le règne de ta conscience ; quand la barbarie n’avait pas de caractère plus déclaré que l’horreur de toute dépendance, ils donnaient le spectacle de la vie commune, c’est-à-dire d’une vie de subordination continuelle. Les hommes de la solitude reconstruisaient la société[1].

Quelles résistances le monachisme rencontra chez les Francs

Mais ces bienfaits n’étaient pas l’ouvrage d’un jour. Le grand nombre des règles et des réformes monastiques faisait assez voir tout ce que cet idéal chrétien de la communauté rencontrait de résistances dans la nature humaine, tout ce qu’il fallait de génie et de sainteté pour réunir sans péril sous un même toit des hommes déjà croyants, déjà résolus à tous les genres d’humiliations et d’austérités. Les monastères n’avaient pas de murs si hauts, ni de portes gardées si fidèlement, que les désordres du siècle n’en forçassent l’entrée. Nous avons trouvé l’abbaye de Sainte-Croix de Poitiers profanée par les fureurs de deux princesses. L’archevêque Lupus, de Sens, avait dû fuir devant les persécutions de Médégisille, abbé de Saint-Remi. La passion du gain pénétrait avec celle du pouvoir dans les cloîtres les plus réguliers ; et Grégoire de Tours rapporte comme un châtiment de Dieu la mort de trente moines ensevelis par l’éboulement d’une colline où

  1. Saint Augustin, Confessions, VIII, 6 Mabillon, Annales O. S. Benedicti. Mignet, Mémoire sur l'introduction de l'ancienne Germanie dans la société civilisée de l'Europe occidentale.