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Quod petebat vox detestabilis,
Ira complet deorum stabilis
Cruciatus est ineffabilis,
Quem patitur gens miserabilis.


Le paganisme littéraire au moyen-âge

On a poussé trop loin le contraste, on a trop élargi l’abîme entre le moyen âge et la renaissance. Il ne fallait pas méconnaître ce qu’il y eut de paganisme littéraire dans ces temps, où l’on attribue à la foi chrétienne l’empire absolu des esprits et des consciences. Personne n’ignore les hardiesses mythologiques des troubadours, le cynisme des trouvères, et en quels termes dignes de Lucrèce le roman de la Rose enseigne le culte de la nature. La poésie italienne commence au treizième siècle, et de Palerme à Florence on n’entend célébrer que le dieu puissant fils de Vénus. Aux noces des grands on représentait des drames allégoriques, où Cupidon poursuivait de ses flèches dames et chevaliers et chaque année le printemps ramenait à Florence, une solennité où les jeunes gens couronnés de fleurs marchaient à la suite du plus beau d’entre eux, qui prenait le nom de l’Amour[1]. Cette intervention des fables païennes n’a rien qui étonne dans les fêtes profanes et chez les poëtes de la langue vulgaire. Mais il est plus instructif de les retrouver dans la langue latine, devenue celle de l’Église. Et comment la mythologie eût-elle été bannie de l’é-

  1. Francesco da Barberino del reggimento e Costume delle donne, parte V. — Villani, lib VII, cap. 89.