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pas permis de méconnaître que, dans cette humiliation et, cette bassesse, se conservaient les dernières traditions de l’art oratoire, et que ces hommes dégénères, ces Eumène, ces Pacatus, ces Mamertin, témoignent, au moins, du goût, de là passion des Gaulois de leur époque pour la parole, pour l’art de bien dire, pour l’art de finement parler. C’est bien. toujours ce que Caton avait dit du peuple gaulois, lorsqu’il le caractérisait d’avance avec son laconisme admirable., par ces mots : Rem militarem et argute loqui.[1] Aucun personnage ne représente mieux, à cet égard, le génie gallo-romain que Sidoine Apollinaire, l’un des premiers écrivains du cinquième siècle. Sidoine Apollinaire était né a Lyon vers 450, mais, probablement, d’une famille arverne, d’une de ces riches familles gauloises chez lesquelles se conservaient les traditions littéraires des Romains et se perpétuaient, en même temps, des rancunes héréditaires contre la. domination romaine. Il avait été instruit par des maîtres habiles, dont-il a conservé le souvenir. Celui dont il avait reçu des leçons de poésie s’appelait Ennius : c’était déjà, vous le voyez, l’époque de ces usurpations de noms célèbres, qui, plus tard, peuplèrent les écoles d’Ovides, d’Horaces, de Virgiles. Son maître de philosophie s’appelait Eusèbe. Tout à coup ce

  1. Gallia in duas res industriosissime persequitur :
    Rem militarem et argutie loqui.