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du culte ancien, la plus grande partie du droit et toutes les lettres. En même temps, le principe malfaisant du paganisme se perpétuait dans les superstitions populaires et les sciences occultes, dans la politique des princes occupés de reconstituer en leur faveur le pouvoir absolu des Césars, dans la mythologie, dont les fables, toujours goûtées, faisaient circuler le poison des voluptés antiques. Ainsi se continuent les deux traditions du bien et du mal ainsi deux chaînes lient les siècles que les historiens séparent vainement ;ainsi se fortifie cette loi bienfaisante et terrible de la réversibilité, qui nous fait recueillir les mérites de nos pères et porter le poids de leurs fautes.

Mais, au-dessous des idées qui se disputent le monde, il a le monde lui-même tel que le travail l’a fait, avec ses richesses et ses ornements visibles, qui le rendent digne d’être le séjour passager des âmes immortelles. Au-dessous du vrai, du bien, du beau, il y a l’utile, qui s’éclaire de leur reflet. Aucun peuple ne conçut plus fortement l’idée de l’utile que le peuple romain, aucun ne mit sur le monde une main plus puissante, plus capable de le transformer, aucun ne jeta avec plus de profusion, au pied de l’homme, les trésors de la terre. Il faut connaître de plus près ce que j’appellerai la civilisation matérielle de l’empire, savoir si elle périt tout entière par les invasions et ce qui s’en conserva pour les siècles suivants.